Aujourd'hui, c'était ton anniversaire. Tu aurais eu 89 ans. Quelle ironie d'être né un premier mai qui est la fête du (non) travail alors que tu avais travaillé dur toute ta vie.

Faute de pouvoir t'offrir le brin de muguet habituel comme autrefois j'avais pensé aller allumer une bougie pour toi à l'église, puis j'ai oublié comme d'habitude. J'oublie tout.

Heureusement, aujourd'hui il y avait aussi des animations à l'extérieur. Alors je suis sortie pour aller les voir et ce faisant je suis passée près de l'église. Je me suis dit, tiens ce serait bien d'y aller pour chercher quelques minutes de silence - après tout c'est mon leitmotiv - comme je le fais parfois. L'endroit est vaste et silencieux, et propice à tous types de recueillements.

Bien entendu, ce n'est qu'une fois à l'intérieur quand j'ai vu les bougies qui brûlaient déjà que je me suis rappelé de mon intention. Et non, je n'en rate aucune. Mes pertes de mémoire m'effraient régulièrement depuis déjà plusieurs années.

Bref, je suis allée acheter une bougie et j'ai tenté de l'allumer en utilisant la flamme d'une autre comme je l'ai toujours fait. Pas facile car en la faisant pencher pour approcher la mèche d'une flamme, la cire est tombée du pot. Après deux ou trois vaines tentatives, j'ai donc du aller plus loin pour choisir une autre bougie dont la flamme était déjà suffisamment haute pour que je puisse la capter plus facilement et cette fois ça a marché.

Tout cela aurait bien entendu été plus facile si j'avais remarqué la boîte d'allumettes qui était à disposition à côté des bougies. Mais mon sens de l'observation est aussi craignos que ma mémoire. Je me suis donc bien ridiculisée.

Il y avait un peu de monde pour une fois et cela me gênait, car je voulais rester seule avec mes pensées. Rester un peu avec toi et avec cette flamme qui était la seule Poste dont je disposais pour t'envoyer mon message. Ils ont fini par s'en aller et cela a été possible. Je regardais ma bougie et je pensais à toi, et de fil en aiguille à tous les disparus de ma famille qui commencent à être plus nombreux là-haut que les vivants ici-bas. Tristesse du temps qui passe, nostalgie de toutes ces vies déjà vécues et qui ne reviendront pas, les leurs comme les miennes.

Puis je me suis levée pour m'en aller, mais avant j'ai pris des allumettes déjà utilisées pour récupérer des flammes - d'où économie d'allumettes, et moi qui devenais de plus en plus intelligente - pour rallumer deux autres flammes qui étaient éteintes dont une à cause de ma maladresse. Il était juste que ceux qui les avaient allumées avec l'intention de communiquer également avec l'invisible puissent continuer à conserver leurs connexions, même s'ils n'étaient plus là. J'aurais été mal de repartir en laissant ces bougies éteintes avant la fin normale de leur cycle de brûlement.

Et je suis sortie à mon tour, quittant cette silencieuse semi-obscurité pour revenir à la lumière du dehors.

Bon anniversaire papa.